Urbanités numériques en Jeux

Des ateliers de recherche contributive pour une nouvelle urbanité à l’ère du numérique

Travail sur le Marché des Quatre-Routes lors de l’école ouvertes de Juillet 2020.

En 2020, le Rectorat de Créteil mobilise 30 heures de formation professionnelles pour préparer les enseignants des collèges et lycées à la mise en oeuvre du projet Urbanités numériques en jeux dans leurs établissements.

Ce projet a pour but de développer une nouvelle intelligence urbaine et de nouveaux savoirs urbains permettant d’anticiper et d’orienter les mutations que les technologies numériques font et feront subir aux métiers de la construction, de la gestion urbaine, de l’urbanisme et de l’architecture. Il s’agit d’inventer et d’expérimenter sur le territoire de Plaine Commune un nouveau modèle de « ville intelligente », fondée sur le développement d’un nouveau génie urbain (habitat, construction, urbanisme, gestion urbaine), et sur une intelligence collective du numérique portée et partagée par les habitants – et en particulier par les jeunes générations.

Cette formation se déroulera sur cinq jours, de septembre à décembre 2020, dans le cadre d’un atelier de recherche contributive animé par l’IRI. Il associera les enseignants, les partenaires du projet, et des intervenants extérieurs apportant leur éclairage sur différentes thématiques liées à l’urbanité et à sa transformation à l’époque de la numérisation de la ville.

Les séances auront lieu à l’Académie de Créteil, dans le bâtiment situé au 12 rue Georges Enesco (Métro Créteil l’Échat), de 9h00 à 12h30, puis de 14h à 17h. Elles seront divisées en trois temps :

• un premier temps dédié à la transmission d’éléments théoriques permettant d’inscrire le projet dans la perspective des grands enjeux anthropologiques, industriels, économiques et politiques posés par la nouvelle révolution urbaine ;

• un second temps dédié à la pratique du jeu vidéo Minetest et de ses extensions ;

• un troisième temps visant à accompagner les enseignants dans la préparation des séances avec les élèves.  

Argumentaire des Ateliers Préparatoires

Les ateliers Urbanités Numériques en Jeux (UNEJ) ont été conçus à partir du constat qu’une très grande transformation est en train de s’opérer dans le champ du développement urbain, au point que l’on peut parler de nouvelle révolution urbaine. Celle-ci serait la troisième, si l’on s’accorde pour convenir que la première aura été entamée au Néolithique avec l’apparition des premières villes, et aura conduit à diverses formes d’urbanisation jusqu’au XVIIIème siècle, aboutissant à une « deuxième » révolution urbaine qui exprime spatialement la révolution industrielle et reconfigure de part en part la morphologie des villes comme les liens tissés entre elles.

La nouvelle révolution urbaine est provoquée quant à elle par le déploiement de technologies numériques et des plateformes, qui constituent les infrastructures rendant possible une digitalisation systémique et intégrale affectant absolument tous les services, produits, objets et matériaux (via des dispositifs tels que : smartphones, système GPS, capteurs, puces RFID, objets connectés, etc.). Encore très largement sous-estimée parce que noyée dans le marketing stratégique smart, cette transformation modifie toutes les opérations de conception, de production et de gestion urbaine.

Comme toute évolution technique, la nouvelle révolution urbaine a une dimension pharmacologique, au sens où elle produit des effets à la fois toxiques et curatifs. Nous pensons cependant que la manière dont elle est concrétisée aujourd’hui par le marché via le modèle de la smart city conduit à accroitre considérablement sa dimension toxique, car la smartness que pratiquent les géants du numérique repose en réalité sur une automatisation qui se substitue de plus en plus à une souveraineté politique des territoires, et court-circuite plus largement les savoirs locaux des habitants. En cela, elle amène les villes à devenir « inurbaines », ce qui veut dire aussi inciviles, au sens où étymologiquement la civitas désigne l’urbanité entendue comme une forme de génie du vivre ensemble.

Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut rejeter les technologies urbaines, mais qu’il faut au contraire créer les conditions de leur appropriation par les habitants, en vue de constituer un nouveau génie urbain capable de prescrire un nouveau type de développement rendant les villes réellement intelligentes, c’est-à-dire résilientes.

De fait, ces technologies ouvrent aussi de nouvelles potentialités pour la constitution d’intelligences urbaines :

. La digitalisation des villes peut transformer la ville en support de mémoire collective et ouvre les perspectives d’un nouvel espace public digital ;

. Les technologies numériques peuvent ouvrir à de nouvelles formes de gestion urbaine contributives, à travers la mise en œuvre de plateformes de proximité et de réseaux sociaux locaux, permettant la délibération sur des règles de vie commune et soutenant la prise de décision collective ;

. les technologies dites du Building Information Modeling (BIM), en tant qu’elles autorisent un nouvel agencement entre différents corps de métiers, ouvrent de nouvelles possibilités pour articuler construction et urbanisme et pour y associer les habitants.

Ce sont de telles potentialités que le projet a pour but de développer avec les élèves, et nous pensons en ce sens que le jeu vidéo Minetest, en tant que support de médiation architecturale et urbanistique s’inscrivant dans un parcours pédagogique encapacitant, est une voie particulièrement prometteuse de concrétisation de ces ambitions.

Les partenaires du projet Urbanité Numérique en Jeu

Pour approfondir : le contexte général

La numérisation des technologies et des infrastructures urbaines transforme profondément le fonctionnement de la ville et la manière de la « produire ». La ville devient une interface connectée à des réseaux planétaires, ainsi qu’un support de mémoire enregistrant flux et comportements urbains et rétroagissant en temps réel en fonction des données automatiquement collectées et calculées. Les pratiques professionnelles des architectes, des urbanistes, des ingénieurs d’études, des responsables de la construction ou de la gestion urbaine se voient profondément transformées par cette nouvelle révolution urbaine (maquettes numériques, robots constructeurs, building information management/modeling, béton interactif, smart grid, systèmes d’IA, capteurs et puces RFID, objets et habitats connectés, etc.). Les modes de vies des habitants se voient aussi perturbés, les technologies dites « smart » ou « intelligents » conduisant la plupart du temps à une automatisation des environnements et une standardisation des comportements.

Pour éviter les conséquences insoutenables d’une mise en œuvre technocentrée de ces technologies, il semble essentiel d’expérimenter de nouveaux projets de capacitation permettant aux professionnels et aux habitants d’adopter et de pratiquer les nouvelles technologies urbaines et les nouveaux milieux urbains en développant de nouveaux savoirs locaux et singuliers. La capacitation du territoire et en particulier des jeunes générations en matière de technologies urbaines numériques doit être activement soutenue et organisée, dans le but de constituer un nouveau génie urbain et une intelligence collective du numérique. Il s’agit ainsi d’expérimenter un nouveau modèle de « ville intelligente » reposant sur de nouveaux savoirs, partagés et pratiqués par les habitants.

Projet et objectifs

Dans cette optique, l’Institut de Recherche et d’Innovation propose d’expérimenter un programme de capacitation aux nouvelles technologies urbaines en Seine-Saint-Denis, en coopération avec le Rectorat de Créteil, certains établissements scolaires du territoire (collèges, lycées généraux et professionnels), ainsi qu’avec des architectes et urbanistes professionnels et des entreprises du bâtiment et de la construction.

L’objectif du projet consiste à impliquer les élèves, leurs professeurs, les architectes, les urbanistes, et les différents professionnels de la construction et du bâtiment du territoire dans le projet de reconversion du Village Olympique et Paralympique (VOP), en tirant profit des nouvelles possibilités offertes par les technologies numériques pour la modélisation, la construction et la gestion urbaine (notamment les technologies BIM – building information modeling). La reconversion urbaine du VOP constitue en effet un enjeu majeur du territoire. Il est essentiel qu’à l’issue des Jeux Olympiques, ces sites et ces équipements puissent connaître un héritage durable pour le territoire, c’est-à-dire être appropriés équitablement par ses habitants et favoriser le bien-vivre ensemble.

Fonctionnement des ateliers

Dans le cadre de ce projet de recherche contributive, la pratique de savoirs académiques sera étroitement articulée à celle de savoirs pratiques/techniques liées aux nouveaux outils de modélisation, de construction et de gestion urbaine, dans le but d’inventer les nouveaux métiers nécessaire à la transformation numérique de la ville. La capacitation des élèves aux enjeux de la révolution urbaine en cours prendra appui sur le jeu vidéo Minetest (une version open-source de Minecraft) comme lieu de simulation des technologies BIM tout en ménageant des aller-retours avec celles-ci, et des enquêtes de terrain sur le territoire.

Chaque enseignant abordera la question des enjeux de la nouvelle révolution urbaine dans le contexte de sa propre discipline, mais ces ateliers constitueront aussi l’occasion d’articuler diverses disciplines fondamentales des programmes scolaires, comme la technologie, la géographie, l’histoire, les mathématiques, la physique, la philosophie, les arts plastiques ou l’EPS. Ils seront suivis par les élèves sur plusieurs années et se poursuivront de manière régulière et structurée dans les établissements jusqu’en 2024.

Rôle de l’IRI

L’Institut de Recherche et d’Innovation organise la conception et le suivi scientifique de ces ateliers, dans le cadre du programme de recherche contributive Plaine Commune Territoire Apprenant Contributif. En effet, dans le cadre de ce programme et d’un programme international de recherche Real Smart Cities, l’Institut de Recherche et d’Innovation consacre plusieurs années de recherche à la question de l’urbanité numérique, du droit à la ville et des nouvelles technologies urbaines.

Dans ce cadre, il organisera :

• des «séminaire de recherche contributive » visant à encapaciter les enseignants sur ces questions et à construire et élaborer collectivement le programme des ateliers (séances d’exposés de spécialistes et de discussions théoriques et séances de travail collectif sur l’élaboration du contenu des ateliers) : mars – septembre 2020.

• un « atelier de suivi » des ateliers scolaires, visant à poursuivre le processus de capacitation, à organiser les rencontres entre les différents établissements et à ouvrir les établissements aux autres acteurs du territoire et hors territoire (exposés des travaux par les équipes des établissements, discussions théoriques inter-établissements, séances de suivi réflexif sur le déroulement des ateliers) : octobre 2020 – juin 2024

Partenaires

  • l’Institut de Recherche et d’Innovation
  • le Département de la Seine-Saint Denis
  • la Caisse des Dépôts et Consignation
  • le Rectorat de l’Académie de Créteil
  • la Solidéo
  • la FCPE
  • l’Association 3 Hit Combo, porteuse du projet RennesCraft
  • le Cabinet d’architecture et d’urbanisme O’zone
  • le CDOS 93 (Comité Départemental Olympique et Sportif de Seine-Saint-Denis)
  • ICI !, Initiatives construites Îlo-Dionysiennes (association d’architectes)